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Commençons par la face visible : le logotype. Depuis les années 90, les logos des constructeurs automobiles étaient le plus souvent en 3D, avec des effets de chromes et de brillance rappelant les calandres. En bref, légèrement bling bling et ostentatoire.
2019 : Volkswagen change le game en redesignant son logotype. Désormais simplifié à l’extrême, il reprend les courbes de son logo de… 1945 ! Loin d’être un retour aux sources, ce nouveau logo se veut l’écho d’un véritable changement stratégique vers le tout électrique. L’objectif avoué du constructeur automobile allemand : devenir le leader mondial de ce marché en 2024, rien que ça ! Directement inspiré du désormais un-peu-trop-fameux Flat Design, il préfigure les nouvelles identités de ses concurrents en proposant un design simple, ultra lisible et ce quel que soit le device – notamment mobile.
Toyota, Kia, Nissan et plus récemment Renault et Peugeot ont tous sauté à roues jointes dans cette mouvance en proposant leurs nouveaux logos, plus épurés et avec moins voire pas de couleur identitaire. Qui a dit que le design graphique s’uniformisait ? Le plus ancien constructeur d’automobiles au monde, Peugeot, a par exemple ressorti sa tête de lion, héritage de son logo des années 60 en le simplifiant pour le rendre plus actuel. Ce mélange entre base historique et modernité est censé démontrer une double force : l’expérience et l’innovation. En design, on appelle ça le rétrofuturisme. Un changement sans changement donc. C’est très bien me direz-vous, mais cela n’explique pas pourquoi la majeure partie des constructeurs ont décidé de changer de logotype depuis deux ans. J’y viens, j’y viens.
Changer de logo pour une marque automobile n’est jamais anodin. Outre les coûts importants directement liés (voitures, print, web, publicité, points de vente…), le logotype est probablement le signe le plus distinctif à une époque où la plupart des véhicules tendent à se ressembler. Ce changement accompagne donc forcément un tournant dans le positionnement et la stratégie du constructeur d’automobiles.
Ce n’est pas un secret : le marché automobile mondial est depuis plusieurs années un secteur en difficulté, difficultés qui se sont accentuées avec la crise sanitaire. Renault a par exemple annoncé une perte nette de huit milliards d’euros pour la seule année 2020 et les ventes de véhicules neufs en France sont retombées à leur niveau de 1975 (source : Comité des constructeurs français d’automobiles, 2021). Il y a donc urgence à faire la révision des 10 000 km sous peine de subir une casse moteur. Deux étapes essentielles sur le parcours : reconquérir le cœur des consommateurs et imaginer le futur de tout un secteur. Objectif final : renouer avec les investisseurs “Tesla addicts” qui boudent les acteurs historiques.
Si les chiffres du secteur sont en berne, une légère éclaircie électrique brille au fond du tunnel. En effet, les ventes de véhicules hybrides ou électriques explosent littéralement (21,5 % des immatriculations en 2020). Et c’est là que tout se joue. En effet, le Diesel Gate a largement terni l’image des constructeurs mondiaux en brisant la confiance des consommateurs. Dans le même temps, les évolutions sociétales, liées à la prise de conscience des impacts environnementaux des moyens de locomotion, à la multiplication des modes de transports urbains ou encore aux problématiques de stationnement, font bouger les lignes et obligent le secteur à se réinventer.
Le changement de branding intervient dans ce contexte. Le logotype, et plus généralement la communication, doivent porter ce renouveau. Et c’est là que ça devient intéressant. L’extrême simplicité de ces nouveaux logotypes renvoie à un aveu d’humilité, comme une forme de mea culpa tourné vers l’avenir. Les annonces de ces nouveaux logos sont le plus souvent concomitantes de la sortie d’un nouveau modèle de véhicule hybride ou électrique ou encore d’une annonce très forte. General Motors, le constructeur automobile américain, a par exemple dévoilé son nouveau logo (en forme de prise électrique… si si !) pour signifier son entrée dans l’ère full électrique avec pour ambition d’arrêter la production de véhicules thermiques d’ici 2035. On passe la seconde.
Si Tesla arrive naturellement en tête quand on pense aux nouveaux acteurs du secteur, les géants numériques ne sont pas en reste. Google avec sa filiale Waymo, Microsoft et ses partenariats avec Cruise, Amazon avec Zoox ou encore Apple et Hyundai avec l’Apple Car, sont tous en train de développer des modèles de voitures autonomes. Autant de nouveaux entrants ultra puissants bénéficiant d’une image d’innovation à toute épreuve, qui bousculent des acteurs historiques bien en peine avec leurs modèles économiques hérités des années 50. Le challenge est donc de taille pour espérer résister et opérer une mutation vitale : devenir des acteurs numériques et plus de “simples” constructeurs automobiles.
Le rebranding participe de ce pivot. En reprenant les codes graphiques des GAFAM, notamment grâce au Flat Design et à des expériences digitales poussées, les grands constructeurs d’antan espèrent marquer les nouveaux consommateurs et réussir la bascule vers la voiture du XXIème siècle, du moins visuellement. Le nouveau logo de Nissan est un bon exemple puisqu’il s’inspire, selon Alfonso Albaisa, vice-président des services de design “des avancées dans les domaines de la science, des technologies et de la connectivité”. Le parallèle avec le terrain de jeu des GAFAM est assumé.
L’évolution de la société, des nouveaux modes de consommation, des enjeux environnementaux et l’arrivée de nouvelles écuries dans la course n’offrent guère le choix aux constructeurs automobiles : changer ou rester sur le bord de la route et pas sûr que le coup de la panne fonctionne ici.
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